Photo culinaire : transmettre un message
Publié le 12 avril 2011 dans Actualités Livres par Philippe Barret
La zone de netteté, plus ou moins étendue, l’emplacement des petits accessoires, jusqu’au grain de fleur de sel judicieusement disposé sur l’escalope de foie poêlée, c’est chaque parcelle de la composition qui conditionne la qualité du résultat. Pierre Desproges disait qu’entre une jolie fille et un laideron, il suffisait de quelques millimètres par-ci par-là…, il en va exactement de même pour les images que nous réalisons.
Si l’on parlait lumière…
Sans vouloir ressasser l‘étymologie du mot photographie, je me bornerai à rappeler que s’il s’agit bien d‘écriture de lumière au sens premier du terme, c’est-à-dire que la lumière imprime ses marques sur la pellicule (ou le capteur), il ne faut pas en négliger l’alphabet, ou plutôt la gamme, comme pour l‘écriture musicale.
Cette transposition dans un autre univers artistique me semble plus parlante. Le photographe compose, joue sur des tonalités, sur quelques notes de couleur, et il rythme sa composition, interprète son sujet et dispose de toute une gamme d’effets lumineux qu’il orchestre à sa guise. Puis, quand l’ensemble est harmonieux, il enregistre son œuvre.
Pot-au-feu. Recette de Michel Rochedy, restaurant Le Chabichou . (Issue de l’ouvrage Le Chabichou ou la montagne apprivoisée (Hasselblad avec dos numérique Phase One P20, f/11 à 1/60 s, 100 ISO, 150 mm.)
Si je devais “écrire” la lumière sur une feuille de papier, je pense que je me servirais d’une partition. Mon alphabet n’aurait pas vingt-six lettres ni huit notes, mais seulement six qui correspondraient aux emplacements basiques de mes sources lumineuses : devant, derrière, à droite, à gauche, dessus, dessous.
Puis, comme pour toute écriture – l’assemblage des lettres formant des mots puis des phrases, celui des sons formant un accord puis une musique –, l’assemblage de mes sources lumineuses et les différents instruments utilisés (flash, lumière continue, lumière du jour et renvois de miroirs, de réflecteurs divers, d‘éléments translucides) vont la moduler jusqu‘à l’obtention de l’image que l‘œil aura plaisir à contempler. Et, tout comme pour la musique, ce n’est pas la quantité d’instruments qui fait la qualité de l‘œuvre mais la maîtrise que l’on en a ; une apparente simplicité masque parfois bien des finesses, seule l’oreille (l‘œil) avisée saura faire la différence.
… et couleurs
Parmi mes souvenirs scolaires de la petite enfance, j’ai gardé en mémoire l’apprentissage des couleurs qui disait que l’on pouvait assembler du rouge et du vert, du bleu et du jaune, mais surtout pas du vert et du bleu. Etrange croyance qui veut que la beauté naisse uniquement du contraste des couleurs primaires.
Photo réalisée pour le magazine Les Épicuriennes, recette de pigeon de Christian Le Squer, restaurant Ledoyen (Paris). (Hasselblad avec dos numérique Phase One P20, f/11 à 1/60 s, 100 ISO, 150 mm.)
Bien souvent, j’ai eu depuis l’occasion de constater que l’emploi des couleurs n’est heureusement pas aussi simpliste et que, s’il est vrai que jouer le contraste est la garantie d’une accroche rapide du regard, c’est aussi bien souvent la garantie d’une lassitude tout aussi rapide. Ici encore, il faut nuancer et le cercle chromatique en est la parfaite illustration. Les couleurs avoisinantes cohabitent idéalement et les couleurs complémentaires apportent l‘éclat. Bien avant la naissance de la photographie, les peintres figuratifs l’avaient compris ; leurs œuvres étaient traitées de façon quasi monochromatique et rehaussées de quelques touches apportant l‘éclat et le contraste nécessaires.
Dominante rose. La recette à base de betterave rouge et de citron a été traitée dans un camaïeu de rose et de rouge. La petite touche de contraste est amenée ici par les zestes de citron d’un jaune soutenu, disposés sur les verrines. En modifiant leur couleur pour l’intégrer à la tonalité dominante, on s’aperçoit immédiatement que l’image perd tout son relief. Pourtant, la surface occupée par les zestes représente une proportion vraiment minime de l’ensemble. On peut aussi noter que la couleur jaune possède cet impact fort, car le reste des tonalités de la photo est relativement chargé en bleu, couleur complémentaire ; nous ne sommes pas sur un rose “layette”. (Client : Mathon) (Mamiya 645AFD II avec dos numérique Phase One P21, f/7,1 à 1/100 s, 100 ISO, 120 mm.)
Excellent article !!!! Merci bcp !
jmc.
Super article, très instructifs. ça donne envie de lire le livre.
Merci
Très bien d’aborder ce sujet aussi vaste que gourmand, par contre le choix des photos dans l’article laissent désirer.