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Photo culinaire : transmettre un message

Une page de livre de cuisine, c’est du texte pour la partie technique et de l’image pour susciter l’envie et donner une interprétation du résultat. Et tant mieux si votre recette ne ressemble pas à ma photo, je préfère déguster du vrai ! Mais pourquoi, lorsque je fais une recette, le résultat est-il moins beau que sur la photo ?

Une page de livre de cuisine, c’est du texte pour la partie technique et de l’image pour susciter l’envie et donner une interprétation du résultat. Et tant mieux si votre recette ne ressemble pas à ma photo, je préfère déguster du vrai ! Mais pourquoi, lorsque je fais une recette, le résultat est-il moins beau que sur la photo ? C’est à coup sûr la question que vous entendrez régulièrement si vous vous consacrez à la photographie culinaire. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. Prenez, par exemple, les livres des années 1960 ou 1970, vous constaterez que la fidélité du rendu est indiscutable… au détriment de l’esthétisme et du rêve.


Monochromie ou, plus précisément, “couleurs dominantes”. Cette image vit par un contraste de lumières et de matières, mais les gammes de couleurs sont extrêmement réduites. Au profit d’un grand nombre de nuances, elles se cantonnent à une multiplicité de tons orange et jaunes. La recherche de cette harmonie de couleurs est en correspondance directe avec l’harmonie des saveurs de ces macarons (orange et carpe fumée). (Client : Éditions Presse Citron pour le magazine Comtois en cuisine (Nikon D3, f/11 à 1/60 s, 200 ISO, 80 mm.)

Lorsque je réalise l’illustration d’une recette, mon travail ne s’arrête pas à un constat de résultat. Ce n’est pas parce qu’un plat est bon qu’il est nécessairement beau, et inversement. En revanche, je me dois de rendre beau un bon plat. Et, pour ce faire, je vais devoir très souvent tricher sur l’aspect final du résultat. Et puis la personne qui va déguster une recette la perçoit dans toute sa dimension visuelle et olfactive, ce qui n’est pas le cas du lecteur.
L’exemple typique du plat en sauce illustre bien ce phénomène : quel plaisir de savourer un civet, des pâtes à la bolognaise, une marmite du pêcheur, mais que de difficultés pour en dresser un “portrait photographique” alléchant. Le civet, tel que nous le mangeons, rassemble tout au plus des morceaux d’une viande brunie par la sauce dans laquelle elle est noyée. L’ensemble isolé sur une image, loin de toute odeur, n’a pas de quoi capter l’attention d’un gourmet.
Il va falloir jouer d’astuces et de subterfuges : réduire notablement la quantité de sauce de manière à bien dégager les morceaux de viande, choisir les plus identifiables (une cuisse, par exemple), utiliser des tranches d’oignons et de carottes cuits à part que nous recolorerons légèrement avec un peu de sauce de la recette et, enfin, ne pas oublier d’ajouter des petits éléments graphiques (herbes aromatiques, baies, etc.) qui viendront ponctuer l’image, réduire les masses uniformes et donc redonner de la légèreté.


Les cuisses de grenouilles font partie des sujets ingrats. Sur cette image, j’ai choisi d’en garder une seule particulièrement lisible pour une bonne identification et j’ai ajouté des éléments colorés (échalotes et ciboulette ciselée) pour égayer et rythmer l’assiette. (Client : Editions Presse Citron pour le magazine Comtois en cuisine) (Nikon D3, f/7,6 à 1/60 s, 200 ISO, 85 mm.)

Un message à transmettre
La bonne image culinaire, à travers la seule dimension visuelle, doit pouvoir mettre en éveil tous nos sens. La question sera : quel message dois-je faire passer au spectateur et que doit-il ressentir ? Si, par exemple, je photographie des recettes dont le point commun est leur facilité de mise en œuvre et de réalisation, le message premier sera “facile” : mon image doit alors le traduire, soit par une mise scène d’une grande simplicité, soit par l’adjonction d‘éléments appuyant ce concept de facilité. Exit donc les accessoires tarabiscotés ainsi que les décorations inutiles ou redondantes.
Si j’illustre une saveur (un alcool fort, du café, du chocolat, etc.), je dois amener l’observateur à s’identifier au moment de dégustation, en recréant l’univers de l’imaginaire associé aux arômes. De plus, l’atmosphère fabriquée doit posséder une intensité (par la lumière et le choix des éléments du décor) à la hauteur de la qualité du sujet principal de notre image : un champagne millésimé supportera difficilement des flûtes en matière synthétique.
Le choix de l’instant du déclenchement va aussi se révéler décisif (voir plus loin). Un champagne dont les bulles ont disparu, ce n’est plus un champagne, et un espresso qui n’est pas mousseux, c’est un café sans âme.


Mousseux de poivron jaune. Sur cette image, l’important est de rendre le côté mousseux et aérien de la recette. Il faut donc déclencher très rapidement une fois la verrine dressée. Recette de Jean-Luc Rabanel, restaurant L’atelier . (Client : Editions Presse Citron pour le magazine Comtois en cuisine) (Hasselblad avec dos numérique Phase One P20, f/8 à 1/60 s, 100 ISO, 150 mm.)


Pour redonner une apparence sympathique à cette matelote de poisson, j’y ai introduit, au moment du dressage, des tronçons de poireaux cuits séparément ainsi que des oignons grelots et des lardons frits à part. (Client : Les Epicuriennes) (Nikon D3, f/11 à 1/60 s, 200 ISO, 85 mm.)

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