L’objectif standard revisité (troisième partie)
Publié le 7 janvier 2015 dans Articles et dossiers par Volker Gilbert
À la différence des objectifs grand-angle et télé lumineux qui nécessitent souvent l’emploi de verres et de surfaces spéciaux, la formule optique de la plupart des objectifs standards est basée sur un schéma à la fois simple et éprouvé, de type Planar, inventé à la fin du dix-neuvième siècle. Il est donc très tentant d’utiliser un objectif standard ancien sur un boitier récent. Voici ce qu’on peut attendre en termes de qualité optique de certains vieux cailloux des années 1960 ou 1970, souvent condamnés à prendre la poussière sur une étagère ou dans une vitrine.
Si la plupart des appareils et objectifs actuels font partie d’un univers dans lequel domine la mise au point automatique, la mise au point manuelle était le mode opératoire le plus courant jusqu’à la fin des années 80 du siècle dernier. Les objectifs à mise au point manuelle ont rendu (et continuent à rendre) de fiers services à plusieurs générations de photographes et il n’y a aucune raison pour laquelle il serait incongru de les marier à nos appareils contemporains. En fait, la marche triomphante des appareils numériques a permis de tirer ces vieux objectifs de l’oubli et certains sont même vendus à des tarifs déraisonnables, justifiés ou non par leurs performances optiques.
Qu’une optique ancienne puisse être adaptée ou non sur un boitier moderne, dépend d’un certain nombre de critères :
- le champ de l’image de l’objectif doit être suffisamment étendu pour couvrir le format du capteur. Si un objectif moyen format et un objectif conçu, pour le format 24 x 36 convient, pour un appareil à capteur 24 x 36 et tous les appareils dont le capteur est plus petit (APS-C, MFT), un objectif conçu pour le demi-format (18 x 24 mm) ou les formats MFT (17 x 13 mm) et APS-C (22 x 14, 8 ou 23,6 x 15, 7) produit irrémédiablement un vignetage lorsqu’il est adapté sur un appareil dont le capteur possède des dimensions plus importantes ;
- le tirage mécanique, c’est-à-dire la distance entre la bague de montage de l’objectif et la surface sensible (capteur ou film) doit permettre l’utilisation d’une bague d’adaptation. Si le tirage pour lequel l’objectif a été conçu est supérieur à celui du boitier, l’objectif peut s’adapter sur ce dernier tout en conservant toute sa plage de distances de mise au point, et notamment l’infini. S’il est inférieur, vous perdez l’infini et celui-ci ne pourrait être rétabli qu’en utilisant un adaptateur avec un système de lentilles, lequel porte un sérieux préjudice à la qualité optique. De ce fait, un objectif Canon FD (tirage 42 mm), Konica R (40, 5 mm) ou Minolta SR, MC ou MD (43,5 mm) ne s’adapte pas sans heurts sur un reflex numérique Canon alors qu’un objectif Contax/Yashica (45,5 mm), M42 (45,46 mm), Nikon F (46,5 mm), Olympus OM (46 mm), Pentax K (45,46), Rollei QBM (44,46) ou Tamron Adaptall (50, 7 mm) y parvient aisément, sous condition de lui trouver une bague d’adaptation appropriée.
Les utilisateurs d’appareils reflex numériques Nikon et Pentax peuvent directement puiser dans un vaste arsenal d’objectifs anciens : tous les objectifs à baïonnette Pentax K montent sur les réflex numériques de la marque alors que tous les objectifs Nikkor sortis après 1977 peuvent être adaptés sur un boitier Nikon moderne. Le Nikon Df offre une compatibilité encore plus étendue avec les Nikkor anciens puisqu’il accepte la plupart des objectifs produits depuis 1959. Quant aux utilisateurs d’appareils bybrides (Canon, Fujifilm, Leica, Nikon, Olympus, Panasonic, Samsung et Sony), ils peuvent adapter l’ensemble des objectifs pour appareils reflex anciens.
Les optiques à monture M42 à vis sont très appréciées des photographes. Fabriquées en très grand nombre, elles sont souvent proposées à des prix abordables. Mais là encore, il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie : si l’excellente réputation de la gamme Takumar du fabricant japonais Pentax est pleinement méritée, celle de la gamme est-allemande Meyer Görlitz est usurpée puisqu’elle se compose en premier lieu d’objectifs » low cost « . Autour des produits de l’opticien indépendant nippon Tomioka s’est développé un véritable mythe trompeur — là encore, il est incompréhensible que les tarifs de certains objectifs de Tomioka, fabriqués jadis en sous-traitance pour des constructeurs d’appareils de seconde zone (Chinon, Petri, Ricoh et Yashica) et des chaines de magasins photo allemands (Foto-Quelle, Porst), puissent atteindre des sommets aussi vertigineux, compte tenu des performances optiques, assez moyennes dans l’ensemble ! À éviter aussi la plupart des objectifs manuels griffés Beroflex, Hanimex, Makinon, Petri, Power, Soligor, Sigma et Sun, souffrant non seulement d’une qualité optique assez moyenne, mais également d’une réalisation mécanique peu résistante dans le temps. En revanche, la société américaine Vivitar est à l’origine d’un certain nombre d’objectifs très intéressants, tout comme le fabricant tiers japonais Tokina. Quant aux objectifs Tamron, dont certains possèdent des performances élevées, ils s’adaptent sur la plupart des appareils réflex, grâce à leur monture interchangeable Adaptall. Pour revenir à la monture M42, sachez qu’il existe deux gammes d’objectifs de qualité, fabriquées par Mamiya et Fujifilm, qui ne sont pas pleinement compatibles avec les adaptateurs du marché. Les deux constructeurs utilisent, pour le couplage du posemètre avec le diaphragme et la mesure à pleine ouverture, un système propriétaire qui rend l’adaptation de ces objectifs sur des appareils modernes très difficile. A noter aussi que le fut arrière de certains objectifs rentre dans la chambre reflex, pouvant obstruer le passage du miroir et même endommager celui-ci. Ils s’agit là d’un problème qui concerne surtout les boîtiers “plein format” (Canon 5D, Canon 1D/1Ds et 6D) et un certain nombre d’objectifs de type retrofocus. Le même problème empêche l’utilisation des objectifs Pentax K sur des boitiers 24 x 36 Canon alors qu’ils s’adaptent sur des boîtiers APS-C de la même marque dont le miroir, aux dimensions plus réduites, ne heurte pas l’ergot dédié à la fermeture du diaphragme.
Une question de mécanique et d’optique
Si les objectifs contemporains sont un savant mélange de composants optiques, mécaniques et électroniques, les optiques anciennes ne contiennent le plus souvent que du verre et du métal. Alors que le fait de contrôler la mise au point et le diaphragme manuellement est souvent source de beaucoup de plaisir, il rend la prise de vue assez laborieuse. Certains domaines photographiques sont difficiles, voire impossibles à aborder avec une optique à mise au point manuelle et pour les autres, le fait d’effectuer la mise au point à pleine ouverture, puis de fermer le diaphragme à l’ouverture de travail peut introduire du flou, pour ne pas parler de la difficulté de faire le point sur le verre de visée d’un appareil reflex autofocus et, à fortiori, d’un boîtier APS-C. S’il existe des puces permettant d’interagir avec la confirmation du point de l’appareil photo, elles manquent parfois de précision et peuvent même, dans certains cas, endommager le boîtier.
Les objectifs anciens ne sont pas égaux en ce qui concerne leurs performances optiques. D’une part, les formules optiques de certaines optiques ont encore été calculées à la main et de l’autre, certains objectifs ne possèdent qu’un traitement antireflet mono couche qui réduit le contraste et la saturation des couleurs tout en introduisant du flare et des reflets parasites en cas de contrejour. Si la plupart des objectifs anciens à focale variable sont loin d’atteindre les performances optiques des zooms actuels (et cela inclut même les objectifs fournis « en kit »), certains objectifs à focale fixe résistent remarquablement bien à l’épreuve du temps, pour peu que leur focale ne soit pas trop extrême (ni super-grand-angle ni super-télé). C’est le cas d’un certain nombre d’objectifs standards !