Linux pour les photographes – Sixième partie
Publié le 1 juin 2008 dans Articles et dossiers par Volker Gilbert
Utiliser UFRaw
Soyons clairs, UFRaw ne propose que des outils assez minimalistes pour développer ses fichiers RAW. Il sera donc nécessaire de passer l’image convertie dans un logiciel d’image (The Gimp, Cinepaint, Photoshop…) afin de lui apporter les dernières touches. Si UFRaw dispose depuis peu d’une commande de réduction du bruit, il n’est toujours pas possible d’y accentuer les fichiers. Notons également l’absence d’outils pour corriger les défauts optiques (aberrations chromatiques, vignetage, distorsion, franges pourpres), pour peaufiner la tonalité des tons foncés et des hautes lumières et pour corriger le contraste et la saturation des couleurs de manière locale. La version indépendante (standalone) et le plug-in pour Cinepaint possèdent donc un avantage précieux : seules à savoir convertir les fichiers au format TIFF 16 bits, ils offrent une marge de manœuvre bien plus importante pour le traitement d’image !
Onglet Gestion des couleurs. Les paramètres de l’onglet Gestion des couleurs influent fortement sur les couleurs du fichier développé, d’autant plus que le créateur du logiciel ne livre aucun profil ICC pour caractériser votre appareil.
Les options pour la gestion des couleurs, UFRaw 0.13/Mandriva 2008 Spring)
- Profil ICC d’entrée. Si de nombreux tutoriels et livres conseillent de choisir, sous Profil ICC d’entrée, l’espace de couleur sRVB, ainsi que de cocher l’option Utiliser la matrice de couleur, avec les paramètres 0.45 pour le gamma et 0.10 pour la linéarité, le résultat demeure finalement assez décevant et peu précis : couleurs ternes et peu saturées, contraste insatisfaisant…. Vous feriez mieux de trouver un profil ICC pour votre appareil ou d’en fabriquer un par vos propres soins. Cette page répertorie de nombreuses pistes pour trouver des profils. les utilisateurs Mac et Windows peuvent par ailleurs installer une version d’essai de Capture One pour y récupérerles profils ICC ; les logiciels Nikon Capture NX et Canon DPP intègrent de nombreux profils parfaitement utilisables dans UFRaw. Notez qu’ils requièrent différents réglages suivant leur origine : Gamma 0.45 et Linéarité 0 pour les profils Nikon , Gamma 0.45 et Linéarité 0.05 pour ceux de Capture One, Gamma 1.0 pour certains profils linéaires, puis Gamma 0.45 et Linéarité 0.10 pour les profils de Canon DPP. Les profils conçus pour Picture Window Pro nécessitent un gamma égal à 0.45 et une linéarité autour de 0.02. Enfin, ceux de Canon DPP se trouvent (sous Windows) dans le dossier c:program filesCanonDigital Photo Professionalicc. Pour chaque appareil (les profils sont nommés suivant un code propre à Canon) il existe plusieurs profils qui correspondent aux différents styles d’image ; voici quelques profils pour le Canon EOS 1Ds : 6021_L.ICC (Paysage), 6021_N.ICC (Neutre), 6021_P.ICC (Portrait), 6021_S.ICC (Standard), 6021_F.ICC (Fidèle). Pour identifier les profils pour votre appareil, vous pouvez consulter cette page. Je vous ai joint, à la fin de cet article, deux profils (Canon EOS 40D et 1Ds), crées avec le logiciel ProfileMaker à partir des photos d’une mire ColorChecker « classique ».
- UFRaw applique toutes les corrections couleur dans un espace de travail linéaire (sous 16 bits par couche) et permet de choisir, sous Profil ICC de sortie, le profil du fichier converti. Sous Linux, n’oubliez pas de créer un dossier dédié aux profils ICC (par exemple à l’emplacement usr/share/icc) pour y déposer les profils « standard » que vous téléchargez sur Internet. Outre les profils pour les appareils (voir plus haut), vous trouverez les profils pour les divers espaces de travail RVB et CMJN sur le site d’Adobe ou sur celui de l’initiative ECI. Tâchez à choisir, comme profil de sortie, celui que vous utilisez en tant qu’espace de travail dans votre logiciel d’image (Gimp, Cinepaint…), et n’oubliez pas de paramétrer ce dernier afin qu’il ouvre les fichiers convertis sans encombre.
- L’option Afficher le profil ICC (une mauvaise traduction pour Profil d’affichage) permet de choisir le profil de votre écran, l’option Rendu d’affichage permet de lui associer un mode de rendu (Perceptif, Colorimétrie relative, Colorimetrie absolue ou Saturation), l’option Pas de pré-vue du rendu (encore une coquille …) désactive la prise en compte du profil d’écran.
Onglet Balance des blancs. La balance des blancs est finalement le premier réglage (et un des plus importants…) à appliquer. UFRaw offre là deux curseurs fort « classiques », Température et Vert : le premier agit le long d’un axe bleu-jaune et le deuxième le long d’un axe rouge-vert (ce qui est identique à l’action du curseur Teinte des autres logiciels).
- pour compenser une température de couleur basse (par exemple la lumière tungstène à 3200 K), faites glisser le curseur vers la gauche ce qui refroidit les couleurs.
- pour compenser une température de couleur élévée (par exemple la lumière froide réflechie par un ciel bleu), faites glisser le curseur vers la droite ce qui rechauffe les couleurs.
- Le curseur Vert est particulièrement utile pour compenser les dérives de couleur provoquées par les éclairages “atypiques” (fluo…) : déplacez le curseur vers la droite pour ajouter du vert, vers la gauche pour ajouter du magenta.
- UFRaw emploie, comme les autres logiciels, des préréglages pour simplifier l’ajustement de la balance des blancs. Vous trouvez ainsi le réglage d’origine (Balance du Blanc Boitier), un réglage automatique (Balance du Blanc Auto) et plusieurs préréglages relatifs à différents types d’éclairage (Lumière du jour, Ombre, Nuageux, Tungstène, Fluorescent et Flash). La dernière option permet de faire un réglage manuel, en sélectionnant des pixels neutres dans l’image, puis en cliquant sur l’outil pipette pour les neutraliser. Une petite astuce : Cliquez avec votre souris sur un détail censé être neutre, puis faites glisser votre souris afin de faire varier le nombre des pixels échantillonnés.
Après la balance des blancs, il faut souvent ajuster la luminosité d’une image (c’est-à-dire le point blanc). Déplacez le curseur « Compensation d’exposition en EV » vers la gauche jusqu’à ce que l’Histogramme dynamique vous indique les premiers pixels surexposés (cochez l’affichage des pixels écrêtés en dessous de l’histogramme, puis cliquez sur Indiquer pour les afficher dans l’aperçu).
Il est en général plus facile d’augmenter la luminosité d’une image (au prix d’un renforcement du bruit dans les tons foncés) que de la réduire. UFRaw offre plusieurs options pour contrôler le rendu des hautes lumières écrêtées (c’est-à-dire surexposées) :
- La commande Restaure les détails pour les EV négatifs /Restaurer dans l’espace LCH… tente de récupérer la luminosité des hautes lumières écrêtées sans pour autant modifier leur saturation et leur teinte. C’est finalement la méthode la plus efficace pour restaurer les détails écrêtés à l’aide des informations voisines.
- La commande Restaure les détails pour les EV négatifs /Restaurer dans l’espace HSV… calcule la moyenne entre les valeurs écrêtées et non écrêtées des pixels pour davantage de détails. Notez que cette méthode introduit (la première aussi, dans une moindre mesure…) souvent une forte dominante magenta dans les régions surexposées.
• La commande transforme Restaure les détails pour les EV négatifs /écrêtées … transforme les pixels surexposés en pixels blancs.
Si vous souhaitez éclaircir votre image, vous pouvez utiliser une des options Ecrêtage hautes lumières pour les EV positifs :
• La commande Linéaire numérique préserve le rendu du capteur, au prix d’un dégradé parfois assez violent entre les hautes lumières écrêtées et non écrêtées.
• La commande Rendu film doux imite le rendu d’une émulsion argentique, la courbe de transfert est aplatie aux deux extrémités, les dégradés sont ainsi plus naturels.
Rendu capteur (à gauche) et rendu film (à droite)
UFRaw ne possède ni curseur Luminosité ni curseur Noirs. Il faut de ce fait intervenir sur la courbe pour ajuster la luminosité des tons moyens et celle des tons foncés. UFRaw offre (ce qui est étonnant, voire troublant) deux Outils Courbe. Pourtant, les deux panneaux Courbe ont leur raison d’être : si la première courbe (dans l’onglet Courbe de base) sert à définir une courbe de correction par défaut que vous appliquez à plusieurs images, la deuxième permet de peaufiner le tracé de la courbe pour chaque image. Il est par ailleurs possible de charger ou d’enregistrer une courbe personnalisée, le format utilisé (.ncv) est celui utilisé par les appareils et logiciels Nikon. Vous pouvez télécharger d’autres courbes sur le Web (notamment les courbes de Fotogenic, très appréciées des photographes) ou utiliser celles enregistrées par votre appareil Nikon au moment de la prise de vue. La courbe de base est appliquée simultanément à toutes les couches (RVB), la courbe de l’onglet Corrections luminosité, saturation uniquement à la couche L de l’espace Lab, ce qui préserve la saturation et la teinte des images.
La courbe de l’onglet Courbe de base : j’ai appliqué ici une courbe en forme de “S” pour rendre les images plus contrastées (il s’agit de la courbe “s-med” de Fotogenic).
La courbe de l’onglet Corrections luminosité, saturation sert à peaufiner la tonalité, image par image.
Si les outils de corrections paraissent peu conviviaux dans l’ensemble, les deux panneaux Courbes d’UFRaw font exception : grâce aux touches Insérer (ajouter un nouveau point à la courbe), Supprimer (supprimer un point) et les quatre flèches du clavier (pour déplacer la courbe), la manipulation s’avère fort pratique. Enfin, citons les réglages automatiques de la courbe de l’onglet Corrections luminosité, saturation , pas toujours efficaces : les boutons Ajustement automatique du point noir (à gauche de la courbe) et Ajustement automatique de la Courbe (à droite).
Canon EOS 1Ds, EF 70-200 mm F/4 L USM, fichier développé avec DCRAW
Bravo pour cet article sur Ufraw et merci d’avoir fait les captures sous Linux 😉
C’est d’autant plus agréable pour moi, vu que je m’occupe (entre autres) du packaging d’ufraw chez Mandriva, donc j’espère que vous n’avez pas eu de problème avec le package ou avec la 2008 Spring en général…
Une petite précision pourrait être intéressante à rajouter : pour l’utilisation de profil ICC « constructeur » en entrée, il faut bien décocher la case « utiliser la matrice de couleurs » sinon on se retrouve avec des couleurs très « funky » (du moins pour les profils Canon DPP).
Merci Frédéric,
votre message est d’autant plus encourageant, que vous êtes une des personnalités clé du logiciel libre 🙂
En fait, je n’ai éprouvé aucune difficulté, ni pour installer Mandriva 2008 Spring ni pour installer le paquet RPM d’UFRaw.Je suis d’ailleurs très impressionné par la « Spring », elle tourne admirablement bien sur des mes machines qui est un dinosaure de 2002…
@fréderic : en ce qui concerne l’option « Utiliser la matrice de couleurs », j’ai fait des expériences qui diffèrent des votres et de ce que j’ai lu dans différents livres et articles sur le Web. En cochant cette option, je retrouve (au moins avec les profils appropriés) le rendu dans DPP ou un rendu proche de celui dans Camera Raw, Lightroom, Bibble ou LightZone. J’utilise simplement la courbe linéaire….
@volker: concernant la matrice de couleurs, je m’étais basé sur http://staffwww.itn.liu.se/~karlu/div/howto/ufraw_with_canonSLR.php qui indique qu’il faut désactiver celle-ci pour les profils Canon.
D’après la documentation d’ufraw, si la case est décoché, ce sont les matrices extraites de dcraw (elles-même extraite de chez Adobe) qui sont utilisées. Mais c’est vrai que cette partie n’est pas extrèmement claire 🙁
Sur les quelques photos où j’avais activé la matrice de couleurs, j’avais remarqué une très (trop ?) forte dominante rouge (sur un 400D). Mais je dois avouer que je n’ai pas fait une comparaison avec LightZone ou DPP (il faudra que je retente ça).
Une dernière remarque sur l’article : il pourrait être intéressant de clarifier le « fichier identité » (c’est très mal expliqué dans le programme lui-même) : ça permet de sauvegarder, dans un fichier indépendant du fichier raw, tous les paramètres qui ont été utilisés pour le « développement » du RAW. Ce qui permet facilement de retravailler un fichier RAW si l’envie nous en prend quelques jours / mois / années plus tard. A noter que la toute dernière version de F-Spot active cette fonctionnalité d’ufraw pour le développement des fichiers RAW.
@frédéric : Udi conseille (mais là il n’est pas très clair..) d’activer la « matrice » lorsqu’on choisit le profil sRVB en tant que profil d’entrée ce qui applique la matrice de correction récupérée par Dave Coffin à partir des fichiers DNG Adobe. Justement, dans DCRAW cela permet d’avoir enfin des couleurs convenables. Par contre, Udi conseille de décocher l’option et donc de désactiver la matrice lorsqu’un travaille avec ses propres profils et ceux récupérés ailleurs. Or, selon mes propres essais (empiriques, j’avoue…) je m’en sors toujours mieux côté couleurs lorsque je laisse l’option cochée – bizarre, non ? Coché, l’option me permet de retrouver les couleurs et un rendu proches de ce que produisent les autres logiciels, avec une petit côté Vibrance comme moi j’aime… De toute façon, je ferai des essais plus aprofondis dès que j’aurai un peu plus de temps (Imatest ).
Pour les fichiers ID, oui il faut rajouter à l’article cette fonctionnalité qui resemble aux fichiers XMP utilisés par les logiciels Adobe ou des petits fichiers utilisés par Bibble (.bib), LightZone (.lzn, .jpg) et CaptureOne (fichier au format XMP proprietaire). Toutefois, ce ‘est pas si nouveau que cela : depuis quelques années déjà les logiciels emploient ce principe pour enregistrer les réglages et les métadonnées car l’accès en écriture leur est interdit pour les fichiers RAW
Excellent Volker !
Du coup, je redecouvre UFRaw que j’avais mis un peu de côt’e (m’enfin, ce clavier suedois ! …)
@volker : je viens de refaire quelques tests, après avoir mis à jour DPP vers la version 4.3.1.1.
Il semblerait que, pour des fichiers RAW d’un 400D, les profils ICC utilisés ont complètement changés : au lieu d’utiliser les fichiers 6131* (qui ne sont plus fournis), une série de fichiers XY.icc ( X = P(ortrait) / L(andscape= / N(eutral) / S(tandard) / F(aithful) et Y = A(dobe RGB), S(RGB) ) est utilisé.
Et si on utilise ces fichiers, il faut effectivement activer la matrice de couleurs pour obtenir un rendu équivalent à celui de DPP ou LightZone, contrairement aux fichiers 6131* où il fallait désactiver la matrice de couleurs. Il y a aussi une légère difference entre un rendu provenant des fichiers 6131 et ceux des nouveaux fichiers. J’ai un peu de mal à dire lequel est le « meilleur », ou du moins le plus ressemblant au JPEG généré par un 400D.
Je confirme pour les profil ICC, j’ai un canon 450D et j’ai pu remarquer que les profils utilisés étaient PS.icc, LS.icc, …
Par contre, j’ai encore un 6171.icc (de tête, je ne suis pas sûr du numéro et ne peux le vérifier avant ce soir).
En tout cas, c’est plus compliqué que XY.icc car toutes les combinaisons n’existent pas, je n’ai pas trouvé de SS.icc par exemple (je pense que dans ce cas c’est 6171.icc).
Si quelqu’un a une réponse plus précise, je suis preneur!
@Golgoth :
je viens de tester avec DPP 4.3.1.1 sous wine (il faut utiliser WINEDEBUG=relay pour détecter quels sont les fichiers utilisés pour chaque mode) avec un fichier raw provenant d’un 450D :
Standard: aucune fichier utilisé
Portrait : 6171_PS.icc
Paysage (Landscape): LS.icc
Fidele (Faithful): FS.icc
Neutre : aucun fichier utilisé
Il semblerait que soit Canon utilise une nouvelle technique pour appliquer les styles « standard » et « neutre » sur le 450D.
Super article.
Personnellement je n’utilise pas de profil ICC pour l’appareil, je vais essayer ça.
Depuis qu’il y a le bouton « envoyer vers Gimp » je n’utilise plus que la version autonome, comme cela s’il n’y a rien à faire dans Gimp, pas besoin de le lancer…
Par contre je déconseille l’utilisation de la réduction du bruit, il vaut mieux utiliser GREYCstoration dans Gimp.
Petite remarque : page 2 vous opposez Linux à PC et MAC au lieu de Windows et MacOS…
Je vais nuancer mon propos concernant la fameuse matrice de couleurs, avec les « anciens » profils ICC de chez Canon. En developpant un de mes photos du Népal, il s’est révélé nécessaire d’activer la matrice de couleurs pour retrouver un violet cohérent avec la vignette JPG du fichier raw, sinon on obtenait un bleu pâle (ça se passe ici : http://www.flickr.com/photos/fcrozat/2581001209/ )
Le problème est que selon les images, on se retrouve plus sur du ressenti personnel que sur un choix « objectif ».
Pour MacOSX, une version de Gimp et d’UFRaw pré-packagée et bien à jour se trouve chez « Wilber loves Apple » : http://darwingimp.sourceforge.net/