Le D750 et ses 24 millions de pixels, un compromis idéal ?
Publié le 26 octobre 2015 dans Articles et dossiers Livres par Jean-Marie Sepulchre
Dans une période où les constructeurs tendent à augmenter la définition de leurs boîtiers, Nikon a-t-il fait fausse route en dotant le D750, son cœur de cible 24 × 36 expert, d’un capteur 24 millions de pixels ? L’avenir n’est-il pas à la très haute définition ?
Quand on regarde l’état du marché des appareils experts, on s’aperçoit que, pour les formats « APS » (environ 16 × 24 mm), les constructeurs ont majoritairement fait le choix du capteur 24 Mpix : Canon, Nikon, Pentax, Sony sont sur cette définition, Samsung tente de percer sur le marché avec 28 Mpix, et Fujifilm semble un peu distancé avec 16 Mpix seulement… compensés par une gamme optique d’une qualité exceptionnelle, ainsi que nous l’avons mesurée pour notre ouvrage consacré à la gamme « X » de ce constructeur.
En 24 × 36 en revanche, le paysage est beaucoup plus varié avec des gros écarts de définition, les boîtiers pro de reportage étant généralement dotés de capteurs moins définis que les milieux de gamme expert : ainsi, Canon aligne des modèles de 18, 20, 22 et 50 Mpix, Nikon de 16, 24 et 36 Mpix, et Sony de 12, 24 et 42 Mpix. Chez Leica par contre, tous les 24 × 36 sont à 24 Mix.
On peut se souvenir quel choc a été l’irruption des numériques haute définition, c’est-à-dire capables de performances techniques supérieures à l’argentique 24 × 36 en matière de séparation des détails. Dès 2002 et le lancement des reflex Canon 1Ds (11 Mpix) et Kodak 14n (14 Mpix), le constat était fait que, même scannée à 25 Mpix de définition (scanners 4 000 dpi), une diapositive 100 ISO ne fournissait jamais autant de détails distincts que ces capteurs numériques. Des essais que nous avions menés au milieu des années 2000 ont démontré que, y compris avec le meilleur objectif pour argentique, en l’occurrence un Leica Summicron, le Leica M8 avec son capteur de 10 Mpix distançait le M6 chargé de Superia 100. Il en était de même lors d’un comparatif entre le Nikon D200 de même définition et le Nikon F5 chargé d’Ekta 100, avec le même zoom réglé à 35 mm pour le premier et 50 mm pour le second.
L’emballement survint en 2008, quand Sony, puis Nikon présentèrent leurs boîtiers 24 × 36 équipés d’un capteur de 24 Mpix. J’avais été surpris de constater que ces capteurs permettaient, en théorie des images de 40 × 60 cm à une définition de 254 points par pouce (détails de 1/10e de millimètre, soit le pouvoir séparateur de l’œil humain à une trentaine de centimètres du tirage), mais qu’en pratique les détails les plus fins que l’on percevait à l’écran ne pouvaient pas apparaître sur l’agrandissement avec les imprimantes de l’époque (voir tests ici). On pouvait donc aisément faire des tirages plus grands que ce que permettait la théorie, puisque les informations étaient bien enregistrées dans le fichier.
Cependant, 24 Mpix apparaissait une valeur démesurée à beaucoup de photographes, car ce même principe indiquait aussi que le « « state of the art » pouvait être atteint avec 6 millions de pixels ; c’était le raisonnement de Kodak au début du numérique, quand la marque présentait ses boîtiers pro déclinés dans les châssis Nikon F5 et Canon EOS1, avec un capteur de 6 Mpix ! La problématique est simple : si des détails plus petits de 1/10e de millimètre (théorie du 254 ppp) ont vraiment du mal à être vus à plus de 40 centimètres de distance (en gros, la diagonale du format A4), alors quand on examine un grand tirage à distance homothétique (par exemple 1 m 20 pour un 60 × 90 cm), les détails les plus fins ne pouvant être distingués, l’œil ne verra que les détails de taille moyenne ; on peut donc agrandir beaucoup l’image, qui paraîtra toujours nette.
Ce raisonnement est juste, sauf que chacun peut constater que beaucoup de spectateurs s’approchent de très près des grandes photos pour scruter les petits détails, qui ne peuvent se voir de façon très nette que si l’on conserve leur précision sur tirage plus grand que A4, d’où la nécessité d’images plus définies.
La définition d’un appareil photo numérique, exprimée en millions de pixels (Mpix) se calcule simplement : un fichier de taille 4 000 × 6 000 pixels est un fichier comportant 24 000 000 pixels soit 24 Mpix. C’est cette définition qui, combinée à la résolution du dispositif de visualisation (écran, tirage papier), va donner une taille au tirage, selon le support et le niveau de qualité requis. La résolution est le plus souvent présentée en « points par pouce – ppp » (dot per inches – dpi, en anglais). Si un écran d’ordinateur présente une résolution de 96 ppp, notre image de 24 Mpix atteindrait 1,06 m en hauteur et 1,58 m en largeur en visualisation 100 % écran (1 pixel fichier = 1 pixel écran) si l’écran avait cette taille, alors que si l’on choisit la norme « imprimerie » de 300 ppp la dimension de sortie serait de 33,8 × 50,8 cm. Dans ce système, la taille (définition) du fichier d’origine ne change jamais, seule change la taille du support de sortie de l’image et la précision (résolution) attendue du tirage.
Bonjour,
Vous avez fait une erreur de frappe, il me semble. La norme en imprimerie ets de 300 ppp et non 3000 ppp.
Amicalement
Corrigé, merci !
Bonjour,
Vous oubliez un chapitre sur la question de la résolution des capteurs: celui de la condition de Shannon. En effet, pour éviter le repliement de spectre (aliasing) il faut que la résolution du capteur soit le double de celle de la meilleure optique utilisable. En 24 x 36 si l’on prend comme limite 150 lignes par millimètre, il faut donc un capteur d’environ 75 mégapixels. C’est l’intérêt du capteur 100 Mpx que Canon fait miroiter pour un proche avenir. Alors, les filtres anti-aliasing passeront dans l’histoire. Quant au piqué de l’image, c’est une autre affaire.
Bonjour Paul, dans les faits l’aliasing est vraiment rare avec les capteurs sans filtre de 24, 36 ou 50 Mpix et les stratégies de contournement par traitements logiciels assez efficaces (voir nos ouvrages sur le D800 et D810). Pour utiliser souvent mon Leica M de 24 Mpix qui n’a pas de filtre AA, et le pouvoir séparateur des optiques Leica et Zeiss n’étant pas trop suspecté, je vous assure que le défaut ne se voit quasiment pas.
Bonjour,
Votre remarque est juste pour ce qui concerne les effets de moiré car la trame du sujet révèle le repliement de spectre. Mais cela ne veut pas dire que dans d’autres images il n’y en ait pas. Il y a des textures qui sont « enrichies » de ces effets non repéres comme tels. Le seul moyen d’échapper à ce doute est de respecter la condition de Shannon que les capteurs à venir qu’on nous prépare réaliseront.
Votre problématique semble être celle de la définition …dans ce cas , pourquoi ne pas employer une chambre , argentique ou numérique ?Malheureusement , la vraie question est à mon sens : combien de photos méritent de tels agrandissements ? Capa , Dosneau , Man Ray ont pu être d’immenses auteurssans que leur tirages nécessitent le gigantisme …
Comment se fait-il qu’un tel ouvrage Le Nikon D750 de JM Sépulchre ne soit pas aussi en version papier.
Grosse lacune beaucoup de personnes feront l’impasse dans cette unique version.
Combien de personnes vont se manifester à ce sujet.
Dommage
Dans un monde idéal il faudrait disposer des 2 versions pour leurs avantages respectifs. Si on nous laissait le choix, la version papier serait toujours préférable.
Sommes nous plus libres qu’avant devant nos écrans ?
Un écran d’ordinateur qui fait 96 ppp !
Ca commence à dater non ?
mon macbookk pro de 2012 fait entre 200 et 250 ppp mon ipad idem
les imac fin 2014 sont aussi en retina et ça se généralise aussi sur les ecrans externe
Depuis ce temps, j’ai investi dans un D850, je ne regrette absolument pas 😀