Harald Mante : un grand classique enfin de retour en France
Publié le 15 juin 2012 dans Actualités Livres par Volker Gilbert
Pour moi, l’appareil photo s’apparente à la machine à écrire d’un romancier ou journaliste : s’il est un instrument indispensable pour l’exercice de notre profession, il n’est pas pour autant digne de faire le sujet d’une discussion plus approfondie. En lui accordant trop d’importance, un photographe se retrouve trop facilement esclave d’une conviction.
“Pour moi, l’appareil photo s’apparente à la machine à écrire d’un romancier ou journaliste : s’il est un instrument indispensable pour l’exercice de notre profession, il n’est pas pour autant digne de faire le sujet d’une discussion plus approfondie. En lui accordant trop d’importance, un photographe se retrouve trop facilement esclave d’une conviction qui s’exprime souvent par des lamentations du genre : “si seulement j’avais un Nikon (Leica, Pentax…), moi, aussi, je pourrais faire de grandes photos”. Il va sans dire qu’il s’agit là d’une illusion.”
Alors que le grand photographe américain Andreas Feininger a écrit ces lignes bien avant l’avènement de la photographie numérique, celles-ci restent d’actualité. Nous sommes devenus les prisonniers d’une véritable course aux armements, nous incitant à changer nos appareils photo régulièrement pour rester à la page. Si la photographie représente un subtil mariage entre l’art à la technique, elle est devenue une discipline très technique qui néglige souvent les aspects artistiques et notamment la composition.
Pourtant, lorsqu’elle présente les différents éléments d’une image de manière harmonieuse, une bonne composition sous-tend le message du photographe et aide ainsi à transmettre ses idées et sentiments. Lorsque la composition est brouillonne, l’oeil de l’observateur s’égare et le message ne parvient pas au destinataire.
Il existe de nombreux ouvrages traitant les différents aspects techniques de la photographie, mais la composition y est souvent abordée de manière sommaire.
L’ouvrage de Harald Mante, “Composition et couleur en photographie”, est une des rares exceptions à la règle. Très célèbre en Allemagne pour ses livres photo, calendriers et livres didactiques, ce professeur d’université à la retraite n’est pas inconnu en France : ses ouvrages “La composition en photographie” et “La couleur en photographie” (1977) sont toujours très recherchés et parfois proposés à des tarifs franchement délirants. Il s’agit de livres désormais classiques qui ont formé le regard de plusieurs générations de photographes. J’avoue que mon apprentissage de la photographie a été fortement influencé par ses écrits ainsi que ceux d’Andreas Feininger. Plus encore que la recherche de l’instant décisif, celle d’une composition forte et esthétique a été toujours une des mes principales motivations d’appuyer sur le déclencheur !
Actuellement, les librairies françaises proposent deux ouvrages majeurs : Composez, réglez, déclenchez d’Anne-Laure Jacquart et L’oeil du photographe et l’art de la composition de Michael Freeman. Alors que le premier est très accessible, fort pédagogique, est très axé sur la pratique, il est moins exhaustif que le Mante. Le second est assez théorique , mais pas toujours facile à comprendre. L’ouvrage de Harald Mante est unique dans son genre. A la fois pédagogique et exhaustif, il fait figure de véritable ouvrage de référence tout en reflètant l ‘approche personnelle de l’auteur de la photographie. Ayant étudié d’abord la peinture auprès de maîtres issus du courant artistique du Bauhaus, il aborde la composition en adoptant les théories sur l’art moderne de Vassily Kandinsky, et notamment ceux de l’ouvrage “Point et ligne sur plan”.
Harald Mante consacre les pages du premier chapitre au point et au rôle qu’il occupe au sein d’une composition avant de poursuivre avec une discussion approfondie de la ligne et de la surface. Le quatrième et le cinquième chapitre sont consacrés aux contrastes. Harald Mante distingue alors entre les contrastes universels (contraste entre figure et fond et contraste tonal) et les contrastes de couleurs (contraste de teinte, contraste de qualité, contraste de quantité, contraste chaud-froid et contraste simultané). Il se base sur les écrits de Johannes Itten, lui-même un des professeurs du Bauhaus.
Harald Mante explore ensuite un certain nombre de techniques pour réussir ses images, en insistant sur les différences entre une approche objective ou subjective du sujet photographié. Quant à la dernière partie du livre, elle se consacre aux séries et séquences chères à Mante et à l’analyse d’images.
Mante n’est pas seulement un brillant théoricien, mais également un grand photographe qui a fortement influé sur la photographie allemande d’après-guerre. “Composition et couleur en photographie” n’est donc pas seulement un ouvrage riche en renseignements sur la composition et la couleur, mais également un livre de photos saisissantes, illustrant brillamment ses propos. Sans oublier les nombreux graphiques limpides qui accompagnent les plus de 600 images fortes en couleurs. Sachez que l’ouvrage ne se consacre qu’à la construction et l’analyse d’images. En abordant uniquement les aspects esthétiques et créatifs de la prise de vue, il suppose que vous en maitrisez déjà, au moins en partie, les aspects techniques. Ainsi, l’auteur ne donne aucun détail sur les paramètres de prise de vue. A noter aussi que bien qu’il se consacre à la physiologie et (surtout) la psychologie des couleurs, Harald Mante fait l’impasse sur leur gestion. En revanche, il veut vous faire progresser à la fois dans le choix, la composition et le cadrage du sujet et vous donne les principaux outils pour analyser la qualité artistique des images. “Composition et couleur en photographie” n’est pas un livre de recettes toutes faites, mais un ouvrage qui vous incite à réfléchir sur votre manière de voire et de photographier.
“Composition et couleur en photographie”, adapté de l’allemand par un des grands fans de Harald Mante (moi-même), sortira le 12 juillet 2012, juste à temps pour donner un coup de pouce à vos photos de vacances. Dès maintenant, l’ouvrage est proposé en pré-commande sur le site Amazon.fr – profitez-en !
Bonne nouvelle et excellente initiative ! les deux ouvrages de Mante ont baigné mes début en photographie, et je ne manque pas de m’y replonger régulièrement, 30 ans après !
Cette nouvelle parution est-elle une « compilation » des deux précédents ?
Bonjour,
Est-ce que cette traduction correspond au livre « The photograph : composition and color design » ou à un autre ?
Merci,
Alexandre
Un peu auto promotionnel comme article mais comme on t’aime bien et que tes conseils sont pertinents, on l’achètera…
Un peu auto promotionnel comme article mais comme on t’aime bien et que tes conseils sont pertinents, on l’achètera…
@Francis : entre les deux livres publiés dans les années 1970 et le nouvel ouvrage, il y a sans doute un lien, le nouveau est apparemment basé sur une série de cours dispensés auprès de ses étudiants et dans les quarante dernières années Harald a sans doute pu développer sa pensée. Malheureusement, je ne peux pas vérifier pour l’instant, suite à un déménagement, tous mes livres photo sont encore emballés dans des cartons et attendent que je monte enfin mon étagère 😉
@Alex : en fait, il s’agit d’une édition actualisée et augmentée de celle traduite en anglais par M.Campbell. J’estime que « The Photograph » n’est pas toujours bien traduit (ou plutôt d’une manière trop littéraire) ce qui gène un peu la compréhension de certains passages. Mon éditrice à veillé que certains germanismes résiduels disparaissent du texte traduit, du coup le nouveau Mante est plus digeste 🙂
@CHM : :-))
Je note bien l’existence de cet opus qui me parait fondamental au vu du nom de l’auteur.
Je m’étonnes juste que la suggestion de commande se fasse exclusivement en faveur du réseau Amazone , au demeurant une entreprise parmi les plus sérieuses et grande défenderesse du livre. Mais j’aurais aimé, sans vouloir jouer au franco-Français, que vous rappeliez l’existence d’un gros réseau de libraires de proximité autant que de qualité dans l’hexagone chez qui on peut aussi passer commande des ouvrages les plus variés.
Je profite de l’occasion pour vous dire toute l’attention que j’ai pu porter à la lecture de votre dossier sur l’exposition paru dans Le Monde de la Photo, travail d’une qualité rare.
@Cocagne : Bonjour, merci de votre commentaire qui appelle quelques précisions de notre part. L’annonce de la mise en vente du livre de Harald Mante sur Amazon peut étonner en effet, pourquoi faire la part belle à ce site plutôt qu’à un autre, ou plutôt qu’à la librairie de proximité, ô combien précieuse et indispensable à la vie du livre et à la diversité des œuvres et des auteurs publiés. Cette redirection vers Amazon peut d’autant plus surprendre que nous publions cet ouvrage aux éditions Eyrolles, que le Groupe Eyrolles possède lui aussi sa librairie en ligne (eyrolles.com) ainsi que des librairies « physiques », notamment à Paris et Aix-en-Provence… La raison est qu’au moment de la rédaction de cet article, seul Amazon proposait un service de prévente efficace, il nous paraissait donc important de le mentionner. Bien sûr, tous les sites libraires sont libres d’organiser des précommandes, nous sommes prêts à mettre en avant ceux qui le feraient (ainsi Decitre ou la Fnac d’ailleurs). Quoi qu’il en soit, rassurez-vous, l’ouvrage sera disponible en librairie le jeudi 12 juillet, et nous avons travaillé très en amont avec les libraires à lui faire une place de choix dans leur rayon Photo !
Bonjour,
De toute façon, Amazon n’est pas en mesure de livrer quoi que ce soit. Je reçois de leur part régulièrement des messages indiquant « que le fournisseur [de l’ouvrage] est en retard » 🙂 . Donc l’intérêt de la (pré) commande sur Amazon est nul dans la mesure où de toute façon, le livre ne sera visiblement pas disponible avant que les librairies « normales » en disposent. Sauf s’il y a pénurie immédiate sur l’ouvrage, ce dont je doute, et sauf si Eyrolles décidait de livrer Amazon avant les autres.
La pré-commande ne donnant aucun avantage tarifaire ou de délai, elle ne sert donc à rien, sinon à assécher le flux de commandes vers les libraires. J’ai chez Amazon une pré-commande sur un Photo Poche (Actes Sud) en cours depuis un an. C’est dire si le système est efficace. Soit ils disposent de l’ouvrage et on peut comparer avec les conditions libraires (surtout si on ne peut pas se déplacer facilement), soit ils n’en disposent pas et la pré-command est inutile.
J’ignoris cet aspect des choses mais finalement cela ne m’étonne pas.
Quoi qu’il en soit il faut remercier Stéphanie Poisson pour la qualité de son explication.
Nos éditeurs font un métier difficile et nous leur serions encore plus reconnaissants s’ils pouvaient trouver encore plus d’auteurs Français surtout dans ce domaine de la photographie ou notre pays excelle tant sur le plan artistique que sur celui de la connaissance de l’outil.
Lecas de cet opus de Mant est à part dans ce sens que c’est un ouvrage de référence et que entant que tel il n’a as de nationalité.
Mais pour le reste, je reste souvent perplexe par exemple quand la revue Le Monde la Photo illustre systématiquement ses articles par des témoignages d’auteurs anglo-saxons. Quel effort louable que de traverser l’Atlantique pour boucler chaque numéro ! A moins que en fait ces articles ne soient que des adaptations fournie par un autre éditeur.
Le dernier dossier de B Volker sur l’exposition démontre pourtant bien et avec quelle maestria que nous avons sous le coude de quoi faire…
@Cocagne
Pour avoir fréquenté de près (professionnellement) le milieu de l’informatique, de l’édition technique et avoir même déjà publié chez Eyrolles (il y a très longtemps), je me permets de donner un avis basé sur l’expérience. La différence fondamentale entre nous et l’édition technique anglo-saxonne est que très souvent les ouvrages sont le fruit d’un travail d’équipe « managé » par l’auteur. Imaginez-vous que Martin Evening ou Kelby puissent sortir des ouvrages de ce volume et avec cette fréquence sans de nombreuses « petites mains » derrière eux? Cette approche nécessite un investissement important de la part de l’éditeur qui semble souvent impossible en France, voire en Europe. Il s’agit donc très souvent d’un travail assez isolé au niveau de l’écriture. Le résultat est souvent, sauf exception, une production plus maigre et moins fouillée. On pourrait aussi parler de la rémunération des auteurs. Eyrolles n’est pas le plus chiche en la matière mais cela peut descendre à 5% du prix vendu au libraire (en brut). Ramené à l’heure de travail et vu le nombre de tirages, cela peut expliquer une certaine timidité. Enfin, un livre en anglais dispose d’un marché plus étendu par nature.
Pour info, Amazon commence à livrer.
Pour infos, acheté ce matin à la FNAC bellecour à Lyon. 🙂
de la bombe ce truc
Ce livre réveille les yeux !
@Samoren.
Merci pour cet argument.
Malheureusement je craignais quelque chose comme ça .
Je me souviens d’une fumeuse affaire de guide des Glénans écrit à plusieurs mains mais principalement par Philippe Harlé pas encore connu comme un des meilleurs architectes de plaisance mais déjà fin navigateur.
Quittant l’école des Glénans pour ouvrir son cabinet, il demanda sa part de royalties sur ce bouquin qui contre toutes attentes dépassait le cadre des écoles associatives et devenait un incontournable dans toute bonne bibliothèque de bord.
Il furent tous en justice pour savoir le droit et le droit dit que Harlé étant à l’époque de la rédaction employé de l’école et donc que les droits d’auteurs revenaient à l’école parce que c’était une œuvre collective sous la direction de l’association…
Le juge ne tint aucun compte du fait que l’école des Glénans mettait en avant dans la première édition la direction de Philippe, mais c’étaient les Glénans n’est ce pas et une autre époque aussi
alors que dans ces temps la les Glénans n’usaient que de bénévoles défrayés.
Sur de telles bases je ne suis pas étonné que peu se risquent à travailler à plusieurs mains dans un cadre éditorial. Cette vielle notion de subaltérnité très française est un frein à l’initiative des individus qui dans notre pays n’existent souvent que par rapport à l’allégeance qu’ils se doivent à un réseau professionnel.
Bouquin commandé auprès de mon libraire.
bonjour , j’ai des litos de Harald mante (9) des années 80 , signées au crayon à papier du maître , je me posais la question quel en etait sa valeur ? quelqu’un saurait me dire ? merci pour vos lumières