Adaptation chromatique (4e épisode) : balance des blancs avec Lightroom
Publié le 22 octobre 2012 dans Articles et dossiers Livres par Jean Delmas
Que vous ayez l’intention de photographier une scène dans la nature, de reproduire une œuvre d’art ou de traiter une mire destinée à la caractérisation d’un APN, vous devez, pour établir la balance des blancs, photographier une mire achromatique, dite « de balance des blancs », dans les mêmes conditions d’éclairage que celles de votre sujet.
Pour cela, vous pouvez, soit disposer la mire de balance des blancs dans le champ de votre prise de vue (et l’éliminer ensuite par recadrage), soit prendre d’abord une photo de la scène avec la mire disposée dans le champ, puis une photo de la scène sans la mire.
Prenons comme exemple la photographie d’une peinture sur toile en bas de laquelle nous avons disposé des mires de balance des blancs.
Après avoir photographié l’œuvre d’art, ouvrez son fichier RAW avec un logiciel de développement, par exemple Lightroom.
1. Sélectionnez l’image dans le module Bibliothèque puis ouvrez le module Développement. Dans la zone de réglage consacrée à la balance des blancs, deux curseurs permettent de régler « à la main » la balance des blancs :
- le curseur Température règle la température de couleur proximale de l’illuminant de la scène lors de la prise de vue. Du point de vue colorimétrique, il détermine l’isotherme du diagramme de chromaticité sur laquelle se situe la couleur de l’illuminant, par exemple l’isotherme 6 000 K (voir au premier chapitre du livre La gestion des couleurs pour les photographes, les graphistes et le prépresse, la section « Illuminants “blancs” et température de couleur proximale ») ;
- le curseur Teinte déplace quant à lui la couleur de l’illuminant le long de l’isotherme fixée par le curseur précédent Décaler le curseur vers la gauche (vers le vert) déplace la couleur de l’illuminant « vers le haut » sur son isotherme ; décaler le curseur vers la droite (vers le pourpre) déplace la couleur de l’illuminant « vers le bas ».
2. Si vous ne voulez pas régler la balances des blancs avec les deux curseurs ci-dessus, le menu BB vous propose par défaut l’option « Telle quelle » correspondant à la balance des blancs qui a été estimée par votre APN au moment de la prise de vue. Mais vous pouvez remettre en cause ce choix en optant soit pour l’un des types d’éclairage standards proposés par Lightroom (Temps nuageux, Tungstène, Flash…) soit, encore mieux, régler vous-même la balance des blancs (option Personnalisée) avec la méthode décrite à l’étape 3.
Si vous conservez l’option par défaut « Telle quelle », le logiciel de développement adopte tout bonnement la balance des blancs définie par la métadonnée de balance des blancs incorporée par l’APN au fichier RAW, qu’elle ait été fixée par le photographe lors de la prise de vue ou établie en mode Balance des blancs automatique par l’APN lui-même. Cette option présente un avantage collatéral : elle permet au photographe méfiant et/ou curieux de contrôler si la métadonnée de balance des blancs est intelligible au logiciel de développement. En effet, si elle ne l’est pas, les valeurs de balance des blancs données pour les deux options « Telle quelle » et « Auto » sont identiques. Le logiciel de développement ne parvenant pas à décrypter la métadonnée délivrée par l’APN est condamné à lui substituer le résultat de son propre calcul automatique. Cette question fit jadis l’objet d’intéressantes polémiques entre Nikon et Adobe…
Notez qu’avec l’option Auto, le logiciel de développement se livre à un travail analogue à celui accompli par l’APN en mode Balance des blancs automatique. Il n’y a donc pas vraiment de raison pour que le résultat de cet automatisme soit de meilleure qualité que celui donné par l’APN. C’est pourtant souvent le cas, sans doute parce que le logiciel de développement dispose, sur votre poste de travail, de capacités de calcul supérieures à celles embarquées dans l’APN.
3. La manière la plus sûre d’établir la balance des blancs consiste à se baser sur un point achromatique de l’image. Avec la souris, prenez la pipette située à gauche du menu BB, puis cliquez sur un point de l’image dont vous pensez qu’il représente un objet de couleur neutre, et que, par conséquent, la couleur de sa photographie devrait avoir des composantes RGB égales. Nous avons ici choisi un point situé sur l’une des mires neutres disposées au pied de la peinture.
Dans notre exemple, les trois composantes du point sélectionné (R = 62,5 %, G = 63,6 % et B = 65,1 % dans Melissa RGB) ne sont pas égales, ce qui montre que la balance des blancs établie dans l’APN n’était pas rigoureuse. Il suffit alors de cliquer sur la souris pour que le logiciel égalise les trois composantes et décale toutes les couleurs de l’image dans un savant calcul d’adaptation chromatique (voir « Calculer l’adaptation chromatique », au chapitre 4 du livre).
La balance des blancs est ainsi accomplie…
Les mires neutres ne sont jamais dotées d’une réflectance spectrale rigoureusement plate. Par ailleurs, la balance des blancs est une opération qui cherche à simuler l’adaptation chromatique de votre vision, laquelle n’est pas un mécanisme d’horlogerie fonctionnant exactement comme le prétendent les livres… Ne soyez donc pas exagérément préoccupé par les valeurs de température proximale et de teinte que vous obtenez ici. Dans notre exemple, les balances des blancs établies avec les trois mires neutres aboutissent à trois températures et trois teintes s’étalant respectivement de 4 750 K à 4 950 K et de +7 à +11. Pour deux points prélevés sur la même mire, ces données peuvent varier presque autant qu’entre deux mires… Bref, considérez qu’une température de couleur déterminée à ±150 K est tout à fait convenable. Toujours dans notre exemple, la balance des blancs établie par l’APN lui-même (option « Telle quelle ») donnait une température de 4 600 K sensiblement différente de la moyenne de 4 850 K obtenue avec nos mires. Malgré sa relative imprécision, nous avons donc eu raison d’utiliser une mire neutre pour remettre en cause la balance des blancs.
À force de crampes à la main droite, vous avez sans doute observé que la pipette de balance des blancs de Lightroom reprenait automatiquement sa position de repos en haut du panneau Développement dès que vous avez fait un prélèvement. Ce retour automatique de la pipette à la case départ est assez crispant quand vous voulez faire plusieurs prélèvements successifs pour tester plusieurs solutions, car il vous impose de déplacer sans cesse la souris pour aller chercher l’outil en haut du panneau. Eh bien, figurez-vous que Lightroom dispose d’une option que vous pouvez décocher pour supprimer ce retour automatique de l’outil en position d’attente. Il faut cependant être doté d’une grande perspicacité francophone pour deviner que cette option à supprimer se cache derrière l’étrange dénomination « Exclure automatiquement », qui est inscrite dans le bandeau d’options situé sous l’aperçu. Les autres options de la pipette de balance des blancs permettent d’afficher ou non la loupe et de définir son échelle (côté du carré couvert par la loupe).
Cet article est extrait du chapitre 8 de La gestion des couleurs pour les photographes, les graphistes et le prépresse, à paraître le 25 octobre aux éditions Eyrolles (520 pages – 39 euros – ISBN : 978-2-212-13297-7).
Au sommaire :
Colorimétrie. Trichromie, perception visuelle des couleurs ● Représentation d’une couleur dans le modèle RGB ● Espace colorimétrique CIE 1931 ● Espace ● Diagramme de chromaticité xy ● Calculer les composantes XYZ d’une couleur ● Le métamérisme ● La couleur blanche est celle d’un corps noir ! ● CIELAB et CIELUV ● Modèles intuitifs basés sur teinte, chroma/saturation et clarté ● Mesure des différences de couleur ΔE ● CMJN et la synthèse soustractive des couleurs
Numérisation des couleurs, gamma. Nombres RGB et profondeur de couleur ● Dangers d’une profondeur de couleur de 8 bits dans le mode Lab ● Quelle profondeur de couleur adopter ? ● Gamma et courbe de réponse d’un appareil ● Gamma d’une chaîne graphique ● Mésaventures de quantification
Gérer les couleurs, pourquoi, comment ? Espace colorimétrique d’un appareil ● Profil ICC d’un appareil ● Flux de gestion des couleurs ● Espaces de travail RGB ● Profil d’une image ● Comment choisir son espace de travail RGB ● Gestion des couleurs sur Internet
Conversion colorimétrique et anatomie des profils. Adaptation chromatique et balance des blancs ● Le mode de rendu, un concept essentiel ● Profils ICC et systèmes d’exploitation ● Anatomie des profils ICC
Images et gestion des couleurs, Photoshop. La boîte de dialogue Couleurs ● Séparation des couleurs et paramètres CMJN ● Modifier le profil d’une image : attribution ou conversion ? ● Imprimer avec Photoshop ● L’épreuvage avec Photoshop
Documents et gestion des couleurs, InDesign, Illustrator, PDF/X. Synchronisation des paramètres Couleurs avec Bridge ● Gestion des couleurs avec InDesign ● Imprimer un document avec InDesign ● L’épreuvage avec InDesign ● Gestion des couleurs avec Illustrator ● Produire un fichier PDF imprimable
Poste de travail et écran d’affichage. Synthèse additive RGB dans un écran LCD ● Outils de calibrage-caractérisation ● Choisir les cibles de calibrage d’un écran ● Calibrer-caractériser votre écran ● Vérification du calibrage et du profil ICC ● Environnement du poste de travail
Photographie : APN, développement RAW, scanner. APN, capteur et dématriçage ● Lightroom et gestion des couleurs ● ACR ● La balance des blancs ● Caractérisation d’un APN ● Caractérisation d’un scanner
Imprimantes : caractérisation, contrôle. Principes de caractérisation d’une imprimante ● Caractériser une imprimante RGB ● Caractériser une imprimante CMJN
Merci pour cette article. j’attend le 25 pour le faire commander chez le libraire du coin. pas envie qu’il ferme à cause d’amazon.
ps : par contre, derrière la refcard, j’ai une valeur Lab dont a et b ne sont pas zero. comment parfaire la balance des blancs dans lightroom ? peut t’on rentrer la valeur précise du gris, donné par le spectro ?
Bonjour Belnea,
Les faibles valeurs des composantes chromatiques a* et b* indiquées par les fabricants pour vanter les mérites de leurs mires de balance des blancs n’ont qu’une pertinence limitée car elles sont mesurées sous un illuminant particulier, en général l’illuminant A (tungstène), qui est l’illuminant interne des spectrophotomètres classiques utilisés en photographie, et transposées sous un illuminant de référence, généralement D50.
Pour qu’une mire soit efficace il faut qu’elle soit neutre (a* = b*=0) , non seulement pour cet illuminant mais aussi pour tous les illuminants que vous allez rencontrer dans la nature pour éclairer vos scènes. Or, ce résultat ne peut théoriquement être obtenu qu’à une seule condition, que la courbe de réflectance spectrale de la mire soit « plate » sur tout le spectre visible, c’est-à-dire que cette réflectance soit constante pour toute longueur d’onde.
Certains fabricants publient cette courbe et on constate alors que cette condition peut être approchée mais évidemment pas rigoureusement respectée. Plus la courbe de réflectance spectrale est plate, meilleure est la qualité de la mire… Mais, il est normal et sans inconvénient que, selon l’illuminant qui l’éclaire, les valeurs a* et b* obtenues par la mesure d’une mire ne soient pas nulles mais égales à quelques unités…
Vos propres mesures de couleur a* et b* sur votre exemplaire de la Refcard ont été sans doute faites avec un instrument comme le Eye-One Pro. Elles présentent donc le même inconvénient que les données fournies par les constructeurs. La très bonne Refcard de Christophe Métairie revendique une couleur a=1 b=2 suffisamment proche de l’achromatisme, ceci, semble-t-il, pour tout illuminant. Il publie sur son site une courbe de distribution spectrale qui est proche de la courbe plate idéale : légèrement croissante entre les longueurs d’onde 400 nm et 800 nm. Michael Tapes revendique quant à lui des composantes a* et b* inférieures à 0,5 pour sa Whibal, ce qui est mirifique, mais il tempère involontairement notre enthousiasme en publiant une courbe de réflectance spectrale si parfaitement horizontale qu’elle a, de toute évidence, été tracée « à la règle »…
Hello Jean,
Merci pour cet excellent exposé, dans lequel j’ai beaucoup appris.
J’ai également constaté que l’option « Auto » donnait fréquemment de meilleurs résultats que « Telle quelle ».
Je mets l’article en lien sur mon blog.
Merci Gilles, mais c’est à moi de vous remercier pour m’avoir éclairé sur des aspects méconnus de LR quand j’écrivais mon chapitre sur ce logiciel…
Bonjour,
J’avais lu votre livre « La gestion des couleurs pour les photographes » (v2) et beaucoup appris, mais comme c’est un sujet qui demande à être révisé (pour ne pas être oublié), y-a-t-il de grosses differences et interêt.
Merci pour votre réponse
PS : Vous devriez leur dire à Eyrolles que vous faites un livre chez eux, il le mettrez peut-être dans les nouveautés à venir 🙂
Bonjour Pierre,
Je n’aime pas trop me faire de la réclame moi-même, mais bon, j’ai travaillé tout de même deux ans sur cette édition, alors, grâce à votre question, je m’accorde ici une petite dénégation…
Le volume du texte et des illustrations a quasiment doublé dans cette nouvelle édition qui est donc bien plus complète que la précédente, ceci non seulement pour les sujets qui n’étaient pas traités auparavant , comme le monde de l’impression offset , des logiciels InDesign-Illustrator, des profils de liaison… mais aussi pour les chapitres qui existaient déjà. Ces derniers ont en effet été refondus pour mener le lecteur plus loin dans les compétences techniques tout en restant accessibles à un « amateur expert » (voir, par exemple, l’extrait sur la compensation du point noir qui a été publié récemment ici-même). Même les premiers chapitres théoriques ont été réécrits pour améliorer leur précision mais aussi leur facilité d’accès.
Par ailleurs, je me suis évidemment efforcé d’intégrer les évolutions technologiques considérables que nous avons vu apparaitre depuis trois ans : les logiciels d’étalonnage et les instruments de mesure qui peuplent aujourd’hui notre marché et dont je parle dans mon bouquin n’étaient pas encore nés lors de sa précédente édition…
Commandé aujourd’hui chez mon libraire du coin 🙂
Pi c’est toujours sympa de voir dans ses rayons en passant, des couvertures qui sont passé sur mon ordi pour les retouches chromos 🙂
Bonjour,
Je ne trouve pas l’option dans LR4 pour la pipette de la balance des blancs?
Merci pour votre réponse
Bonjour Michel,
Cette petite barre d’options n’apparait, dans le bandeau inférieur, qu’à partir du moment où vous avez « saisi » la pipette de balance des blancs avec la souris…
Merci
Je suis mitigé .. mais très bon article