La photo ne serait-elle pas assez « fun » ?
Publié le 26 janvier 2015 dans Actualités par Volker Gilbert
Que l’industrie photo aille mal et même très mal c’est un secret de polichinelle. Après plusieurs années fastes, les fabricants de matériel photo doivent composer avec l’arrivée des années de vaches maigres, caractérisées par un déclin brutal et net des ventes de matériel photo. Ce dernier serait-il dû à un manque d’idées de l’industrie photographique ?
Jusqu’ici deux concepts rivalisent pour expliquer la chute des ventes. Si les uns incriminent la montée inexorable des smartphones et la qualité, en hausse, des modules photo intégrés, les autres tablent sur une simple saturation du marché.
Le consultant Heino Hilbig, chef de la société de conseil en marketing Mayflower Concepts et ancien directeur markéting d’Olympus Europe, n’est pas du tout convaincu des causes mises en avant plus haut. Il présente une nouvelle théorie selon laquelle la photo manquerait des matériels de prise de vue et des chaines de traitement dont utilisation serait pour les photographes une source de plaisir plutôt qu’une corvée. Dans une présentation donnée ce mois-ci lors du salon CES à Las Vegas, M. Hilbig accuse l’industrie photo d’entretenir une multitude de capteurs, cartes mémoire, montures d’objectifs, formats bruts et dimensions de livres photo qui compliquent la vie des photographes. Mais au lieu de se figer dans l’immobilisme face à la marche glorieuse et imparable des smartphones, il suggère aux fabricants et prestataires du secteur photo d’unir leurs efforts pour rendre le plaisir aux photographes.
Quelques bonnes idées suffiraient-elles à rendre la pêche aux ventes d’appareils photo ? Si Heino Hilbig n’a sans doute pas tort de mettre le doigt sur la complexité technique des appareils photo, j’estime que sa théorie ne parvient pas à éclaircir tout le mystère du marasme actuel. Car personne ne peut contester une certaine saturation du marché photo, étant donné que la plupart des photographes ne souhaitent ou ne peuvent plus changer de matériel tous les ans pour ne gagner qu’un supplément de fonctionnalités dont l’utilité paraît infime.
N’oublions pas non plus qu’une petite minorité seulement de propriétaires d’appareils photo hybrides et réflex numériques est réellement passionné par l’art de la photo, la majorité, autrefois séduite par la devise célèbre « you click the button, we do the rest » étant uniquement intéressé par des résultats qualitatifs. Elle se contentera dès aujourd’hui des services d’un smartphone qui, en plus de simplifier la chaîne d’image, de la prise de vue jusqu’à la diffusion électronique, fournit de multiples fonctionnalités et services non liés à la photo.
Quoi qu’il en soit, l’industrie photo ne reproduira plus jamais la croissance fulgurante dont elle a bénéficié entre 2005 et 2010. Celle-ci correspond au remplacement des appareils argentiques par leurs alter ego numériques. Rapidement, ces derniers sont devenus si performants qu’il n’est plus nécessaire de les échanger ad vitam æternam contre des modèles plus récents. Le rétrécissement du marché photo sera-t-il vraiment aussi catastrophique ? Hormis une simplification des gammes (et la disparation d’une partie d’elles), il aidera aussi à prolonger les cycles de vie des produits tout en incitant les fabricants à innover au lieu de continuer à nous concocter des boitiers qui ne se distinguent guère de leurs prédécesseurs. Les photographes y seront sans doute gagnants : si les prix des produits risquent de grimper à moyen terme, la valeur résiduelle de ces derniers résistera sans doute mieux sur le marché d’occasion.
Il faut relativiser la situation actuelle : plus de 40 millions d’appareils ont encore trouvé leurs acheteurs en 2014 et les photographes exigeants continueront à investir dans de véritables appareils photos, même si ces derniers resteront sans doute beaucoup moins nombreux que les smartphones, omniprésents. Et indépendamment du matériel employé, la photo restera une pratique passionnante !
Mon seul frein pour acheter du nouveau matériel, c’est l’argent.
Je pense que, je suis pas le seul dans cette situation.
@DUBA
> Mon seul frein pour acheter du nouveau matériel, c’est l’argent.
> Je pense que, je suis pas le seul dans cette situation.
Remarque intéressante. Est-ce que renouveler en permanence votre matériel vous ferait faire de meilleures photos ? Quand je vais voir une expo à la Fondation HCB, je monte toujours au dernier étage. C’est là qu’il y a les toilettes (et c’est bien utile) mais aussi un Leica utilisé par Cartier-Bresson. Ça rend modeste et ça relativise l’importance du matériel.
@ Samoreen
Je suis d’accord avec Duba, le prix est bel et bien un frein selon le matériel que l’on souhaite et celui que l’on peut acheter… En tant que photographe animalier, il m’est tout bonnement impossible de m’offrir un 400 mm f:2.8. Ce n’est pas une question de fréquence de renouvellement. Et le Leica de Cartier-Bresson ne m’apprendra pas la modestie et ne relativise rien. Il n’est tout simplement pas adapté à mon usage. Ce n’est pas l’importance du matériel qu’il faut relativiser, mais l’utilisation qui en ai faite.
Bonjour,
En préambule, je me permets une remarque sur la première phrase, dont je pense qu’elle contient un contresens (je n’ai pas trouvé comment signaler cette maladresse de façon plus discrète à l’auteur, excusez-moi) : je crois qu’il faudrait utiliser la forme affirmative « c’est un secret de polichinelle » (ce qui désigne un fait dont tout le monde est déjà au courant).
Concernant l’article, très intéressant, on pourrait discuter du triptyque simplicité (effectivement), plaisir (effectivement) et qualité. Je parle ici de la qualité brute, palpable, visible, intrinsèque et identifiable par tous. Les produits qui réunissent ces qualités fonctionnent commercialement : voir la gamme Fuji X, notamment. On confond souvent qualité et complexité, les fabricants ayant tendance à associer ces deux attributs par un effet mécanique, lié au coût qu’ils entraînent.
De nombreux photographes passionnés ont envie d’un appareil simple dans sa conception (focale fixe, entre autres), avec des fonctions « photographiques » uniquement. Je rêve d’un Fuji X-100 t, en ce qui me concerne (et d’un moyen format, mais c’est une autre limonade).
Mais les fabricants historiques de matériel photo, comme les firmes venues de l’univers électronique, sont-ils en train de s’intéresser au photographe ou bien plutôt au gibier de marketing, lequel veut produire, au choix, du souvenir, un cliché éphémère (et purement périssable : voir à ce sujet les applications dédiées) ou tout simplement arborer la dernière innovation pour exister aux yeux de ses relations ?
Peut-être la photographie (sans distinction entre argentique et numérique) est-elle à un tournant comparable à celui de la transition entre l’argentique et le numérique, justement ? Il est possible que la photographie qualitative (destinée à ceux qui y trouvent un intérêt plastique, artistique ou narratif) se fasse de plus en plus marginale, et reste chère, de ce fait. En gros : une niche commerciale. En parallèle, les moyens de produire des images vont se multiplier, les formes d’image se multipliant elles aussi (plénoptique, 3D, time lapse, HDR, holographique, panoramique), et cette frange-là du « produit » continuera son développement commercial, avec les effets que l’on connaît tous.
La question du matériel est évidemment liée à la question de ce que l’on appelle « photo » aujourd’hui. Cette fameuse croissance fulgurante a peut-être été une bulle. La photo, avec la définition que j’utilise plus haut, retournera peut-être aux proportions (en termes de marché, pour les matériels de prise de vue), à ce qu’elle était avant 2000 ? Pendant ce temps-là, les crétins qui tiennent leur téléphone à bout de bras continueront à pulluler, empêchant leurs concitoyens d’apprécier une visite de musée, un concert ou la visite d’un salon dans les conditions qu’ils mériteraient, sans une vingtaine de pantins au bras levé pour leur boucher la vue (je me méfie de toutes les foules qui lèvent le bras en même temps, un vieux réflexe probablement).
Pour conclure mon indigeste commentaire, je vous remercie pour votre site dans lequel j’ai trouvé récemment de nombreux articles intéressants et bien écrits, avec des sujets traités d’une façon bien plus convaincante que dans la presse écrite (hélas pour elle, et je ne conserve plus que mon abonnement à Compétence Photo). C’est notamment la visite de votre site qui m’a convaincu de me procurer l’excellent livre de Jean Delmas « La gestion des couleurs ». Je me permets de le féliciter ici pour la grande qualité de son écriture, si rare dans les ouvrages techniques. Ce volume ira tenir compagnie à mes « Bouillot », dans la partie sanctuarisée de ma bibliothèque photo.
Bien à vous,
F.A.
PS. La notion de qualité à laquelle je fais référence est un concept que j’ai eu plaisir à voir développer par Robert M. Pirsig dans son livre « Traité du Zen et de l’entretien des motocyclettes », ceux qui l’ont lu ou qui se décideraient à le faire découvriront peut-être une notion difficile (impossible) à expliquer en quelques lignes ; et ce, en plus de passer un bon moment de lecture. Pour l’anecdote, j’ai lu cet ouvrage en écho à « Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc », cher à HCB, mais il n’y a aucun rapport, hormis dans les titres.
Bonjour Fabien, et merci de mettre un doigt sur une faute que me suis tout de suite empressé de corriger ! J’ai lu avec plaisir votre délicieux commentaire avec lequel je suis tout à fait fait d’accord.
Merci pour cet article et le commentaire de Fabien. Le marché CE (Consumer Electronics) est globalement empétré et la photo ne fait pas exception. Comme vous l’avez bien souligné, les années 2005-2010 sont finies, période pendant laquelle, beaucoup on remplacé leur boitier argentique pour un numérique.
C’était une réelle avancée technologique qui représenta un besoin suffisant, pour déclencher une telle demande. Ainsi, à mon sens, à moins d’une nouvelle avancée, rien de changera sur le marché de la photo. Et les fabricants feraient bien de se pencher dessus, car finalement, le reflex n’a pas évolué depuis le premier Exakta en 1936.
Seul Sony a tenté d’innover. Après avoir absorber Minolta, Sony a tout de même innové avec le « mirroir translucide ». Fuji a également innové avec une technologie de viseur très intéressante etc.
Et oui, les boitiers ne se vendent plus comme des petits pains. Il faut y mettre un peu du sien Messieurs Canon, Nikon, Pentax & co. Et ce n’est certainement pas en augmentant la cadence infernale des MAJ des boitiers (Nikon D600, D610, D810, D750 etc) que l’on sucitera l’envie, la convoitise…d’autant plus que le porte-monnaie ne suit plus.
très bien ce site
Comme il l’a été souligné dans un article précédent, le côté budget peut freiner l’achat du (bon) matériel photo, bien que l’on puisse trouver d’excellents APN pour la moitié du prix d’un dernier « Smaportabidule » à la mode…
L’encombrement peut aussi rebuter (un boîtier et deux optiques, ça prend de la place et fait du poids).
Mais n’y a-t-il pas là-dessous une tendance de la société actuelle, à savoir privilégier la rapidité à la qualité ? Je n’ai rien contre ces photos prises avec des portables (toutes marques confondues), mais que l’on ne vienne pas s’extasier devant celles-ci – je précise bien au niveau qualité technique, indépendamment du sujet – cela frise le ridicule, voire le mauvais goût. Même si ce dernier fait des heureux, je préfère ne pas partager leur bonheur…
je suis bien d’accord avec les commentaires de Fabien et de Jérôme car si le marché va très mal, les fabricants en sont les principaux responsables en sortant tous les 6 mois des APN avec des améliorations mineures pour des prix toujours plus élevés. Certains testeurs me font mourir de rire quand ils expliquent que cet appareil met 3 dixièmes de seconde de moins pour s’allumer !! (comme si nous étions des cow boy pour dégainer en un éclair !) que le gain de poids est de 45 grammes !! sur ce modèle ou que la carte SD n’est pas accessible si le boitier est monté sur un trépied (comme si nous changions notre carte dés que nous photographions sur trépied !!) A force de chercher des soit disant améliorations tout ce petit monde ne peut pas comprendre qu’un photographe ne change pas de matériel tous les 6 mois pour deux raisons principales: il aime son matériel car il en possède toutes les clefs et il s’attache à ce compagnon avec qui le dialogue passe sans accros. Il est également assez connaisseur pour éviter les pièges du marketing qui tente de vous faire croire que c’est mieux parce que ça viens de sortir !! et qu’il faut sortir 1000€ pour être au top !! Je parle bien sur des photographes et pas de l’armée des « bras en l’air » qui se shootent la face à longueur de journée.
Bonjour Volker,
Quand je pratique une autre langue que le français, je suis toujours en demande de correction. C’est un bon moyen de progresser et je considère cela comme un signe d’attention bienveillante. En ce qui vous concerne, il y a encore des marges de progression mais elles sont vraiment minimales tant votre maîtrise du français est excellente. Ich gratuliere. Mais bon, pendant que nous y sommes, une autre petite erreur non remarquée par Fabien AUDRY :
> Que l’industrie photo va mal
Que l’industrie photo aille mal
MfG
Merci, Samoreen, j’apprécie beaucoup 🙂
Bonjour à tous,
Article très intéressant qui rejoint des réflexions de plus en plus fréquentes dans le milieu des photographes (je parle des gens intéressés par la photographie).
Je pense en effet que l’on arrive dans une impasse :
– Matériel reflex de qualité trop lourd et trop encombrant : un Canon 5D MKII + un 24-70 2.8 = 2 kilos.
– Fragilité et durée de vie de plus en plus courte.
– Tarifs de maintenance indécents.
– Surenchère de fonctionnalités le plus souvent inutiles.
Je perçois une demande croissante pour des appareils de qualité, légers, à l’interface simplifiée, débarrassés de leurs fonctions inutiles et permettant de se concentrer sur l’essentiel : quand on déclenche, on doit penser à son sujet et non aux réglages de l’appareil qu’on aurait pu oublier (je pense à un ami qui a photographié pendant plusieurs semaines avec son X100 sur lequel il avait oublié de désactiver le filtre ND).
Pour ma part, quand je photographie dans la rue, je suis bien plus heureux (et moins fatigué en fin de journée) avec dans mon sac un X100 et 2 boîtiers télémétriques argentiques.
Je ne comprends pas que Canon et Nikon n’aient pas encore compris que la voie ouverte par Fuji et Sony est la bonne. Revenons aux fondamentaux. Je n’ai pas besoin de plus de 30 Mpx. Je n’ai pas besoin d’une fonction vidéo (je fais de la photo, bon sang!). Je veux avoir accès aux fonctions essentielles sur mon boîtier (comme avec mon vieux FM2). Je ne veux plus passer du temps à chaque fois que je dois me souvenir de l’endroit du menu où se trouve telle ou telle commande.
Constructeurs, faites simple, efficace et fiable. Laissez le marché des compacts aux fabricants de téléphones et recommencez à nous fabriquer des appareils photo. Vous savez, les trucs qui servent aux photographes…
Re,
Je viens de regarder la vidéo proposée dans l’article. Excellent constat et bonne interprétation des chiffres jusqu’au moment où on arrive à l’idée saugrenue du « fun factor ». Grosse erreur. Si le monsieur croit que c’est ça qui va faire à nouveau vendre des APNs, il se trompe. Ce qu’il propose, les consommateurs l’ont déjà ou l’auront bientôt sur leurs smartphones.
Ce que doivent faire les constructeurs, c’est recommencer à fournir des appareils pour les **photographes** qui soient simples et recalés sur les fondamentaux de l’acte photographique et qui redonneront le goût de la photographie en tant qu’activité créatrice et artistique. Qu’ils essaient de nous faire des Leica M9 à un prix décent, par exemple. Pour le reste, c’est déjà plié.
comme il est dit sur plusieurs commentaires faire des appareils photos, en 24X36 si possible comme nikon à l’air de s’orienter, mais étant donné que ces appareils sont très chers, il serait judicieux de prévoir des batteries remplaçables, car si ces dernières tombent en panne définitivement c’est l’appareil qu’il faut jeter, des appareils au delà de 1300 euro